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BÉNÉDICK. — Il n’y a jamais de vrai courage dans une querelle injuste. Je suis venu vous chercher tous deux.

CLAUDIO. — Nous avons été à droite et à gauche pour vous chercher ; car nous sommes atteints d’une profonde mélancolie, et nous serions charmés d’en être délivrés. Voulez-vous employer à cela votre esprit ?

BÉNÉDICK. — Mon esprit est dans mon fourreau. Voulez-vous que je le tire ?

DON PÈDRE. — Est-ce que vous portez votre esprit à votre côté ?

CLAUDIO. — Cela ne s’est jamais vu, quoique bien des gens soient à côté de leur esprit. Je vous dirai de le tirer, comme on le dit aux musiciens : tirez-le pour nous divertir.

DON PÈDRE. — Aussi vrai que je suis un honnête homme, il pâlit. Êtes-vous malade ou en colère ?

CLAUDIO. — Allons, du courage, allons. Quoique le souci ait pu tuer un chat, vous avez assez de cœur pour tuer le souci.

BÉNÉDICK. — Comte, je saurai rencontrer votre esprit en champ clos si vous chargez contre moi. – De grâce, choisissez un autre sujet.

CLAUDIO. — Allons, donnez-lui une autre lance : la dernière a été rompue.

DON PÈDRE. — Par la lumière du jour, il change de couleur de plus en plus. – Je crois, en vérité, qu’il est en colère.

CLAUDIO. — S’il est en colère, il sait tourner sa ceinture[1].

BÉNÉDICK. — Pourrai-je vous dire un mot à l’oreille ?

CLAUDIO. — Dieu me préserve d’un cartel !

BÉNÉDICK, bas à Claudio. — Vous êtes un lâche traître. Je ne plaisante point. – Je vous le prouverai comme vous voudrez, avec ce que vous voudrez et quand vous voudrez. – Donnez-moi satisfaction, ou je divulguerai votre lâcheté. – Vous avez fait mourir une dame aimable ; mais sa mort retombera lourdement sur vous. Donnez-moi de vos nouvelles.

  1. Proverbe ; le sens est sans doute : S’il est de mauvaise humeur, qu’il s’occupe à se distraire.