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à un coquin, qui, comme un franc coquin, a fait l’aveu des honteuses entrevues qu’ils ont eues mille fois ensemble secrètement.

DON JUAN. — Elles ne sont pas de nature à être nommées ; seigneur, on ne peut les redire ; la langue ne fournit pas d’expression assez chaste pour les rendre sans scandale. Ainsi, belle dame, je suis fâché de votre étrange inconduite.

CLAUDIO. — Ô Héro ! quelle héroïne n’aurais-tu pas été, si la moitié de tes grâces extérieures eût été donnée à tes pensées et à ton cœur ! Mais adieu, la plus indigne et la plus belle ! – Adieu ! pure impiété et pure impie ! Tu seras cause que je fermerai toutes les portes de mon cœur à l’amour, et que le soupçon veillera suspendu sur mes paupières pour me faire soupçonner toujours le mal dans la beauté, qui n’aura jamais de charmes pour moi.

LÉONATO. — Personne ici n’a-t-il une pointe de poignard pour moi ?

(Héro s’évanouit et tombe.)

BÉATRICE. — Ah ! qu’est-ce donc, cousine ? pourquoi tombez-vous ?

DON JUAN. — Allons, retirons-nous. – Ses actions dévoilées au grand jour ont confondu ses sens.

(Don Pèdre, don Juan et Claudio sortent.)

BÉNÉDICK. — Comment est-elle ?

BÉATRICE. — Morte, je crois. Du secours, mon oncle ! – Héro ! eh bien ! Héro ! – Mon oncle ! – Seigneur Bénédick ! moine !

LÉONATO. — Ô destin ! ne retire point ta main appesantie sur elle ! La mort est le voile le plus propre à couvrir sa honte qu’on puisse désirer.

BÉATRICE. — Eh bien ! cousine ? Héro !

LE MOINE. — Prenez courage, madame.

LÉONATO. — Quoi, tu rouvres les yeux !

LE MOINE. — Oui, et pourquoi non ?

LÉONATO. — Pourquoi ? Tout sur la terre ne crie-t-il pas infamie sur elle ? Peut-elle nier un crime que son sang agile révèle ? Oh ! ne reviens pas à la vie, Héro, n’ouvre pas tes yeux ; car si je pouvais penser que tu ne dusses