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L’amusant sera lorsqu’ils croiront chacun à la passion de l’autre, et que cependant il n’en sera rien ; voilà la scène que je voudrais voir et qui se passera en pantomime. Envoyons Béatrice l’appeler pour le dîner.

(Don Pèdre s’en va avec Claudio et Léonato.) (Bénédick sort du bois et s’avance.)

BÉNÉDICK. — Ce ne peut être un tour ; leur conférence avait un ton sérieux. – La vérité du fait, ils la tiennent d’Héro. – Ils ont l’air de plaindre la demoiselle. – Il paraît que sa passion est au comble. – M’aimer ! – Il faudra bien y répondre. – J’ai entendu à quel point on me blâme. On dit que je me comporterai fièrement si j’entrevois que l’amour vienne d’elle. – Ils disent aussi qu’elle mourra plutôt que de donner un signe de tendresse. – Je n’ai jamais pensé à me marier. – Je ne dois point montrer d’orgueil. – Heureux ceux qui entendent les reproches qu’on leur fait et en profitent pour se corriger ! – Ils disent que la dame est belle : c’est une vérité. De cela j’en puis répondre. – Et vertueuse, rien de plus sûr ; je ne saurais le contester. – Et sensée, – excepté dans son affection pour moi. – De bonne foi, cela ne fait pas l’éloge de son jugement, et pourtant ce n’est pas une preuve de folie ; car je serai horriblement amoureux d’elle. – Il se pourra qu’on me lance sur le corps quelques sarcasmes, quelques mauvais quolibets, parce qu’on m’a toujours entendu déblatérer contre le mariage. Mais les goûts ne changent-ils jamais ? Tel aime dans sa jeunesse un mets qu’il ne peut souffrir dans sa vieillesse. Des sentences, des sornettes, et ces boulettes de papier que l’esprit décoche, empêcheront-elles de suivre le chemin qui tente ? – Non, non, il faut que le monde soit peuplé. Quand je disais que je mourrais garçon, je ne pensais pas devoir vivre jusqu’à ce que je fusse marié. – Voilà Béatrice qui vient ici. – Par ce beau jour, c’est une charmante personne ! – Je découvre en elle quelques symptômes d’amour.

(Béatrice parait.)

BÉATRICE. — Contre mon gré, l’on me députe pour vous prier de venir dîner.