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vous ne faites pour cela le beau temps. C’est à vous de préparer la saison qui doit favoriser votre récolte.

DON JUAN. — J’aimerais mieux être la chenille de la haie qu’une rose par ses bienfaits. Le dédain général convient mieux à mon humeur que le soin de me composer un extérieur propre à ravir l’amour de qui que ce soit. Si l’on ne peut me nommer un flatteur honnête homme, du moins on ne peut nier que je ne sois un franc ennemi. Oui, l’on se fie à moi en me muselant, ou l’on m’affranchit en me donnant des entraves. Aussi, j’ai résolu de ne point chanter dans ma cage. Si j’avais la bouche libre, je voudrais mordre ; si j’étais libre, je voudrais agir à mon gré : en attendant, laisse-moi être ce que je suis ; ne cherche point à me changer.

CONRAD. — Ne pouvez-vous tirer aucun parti de votre mécontentement ?

DON JUAN. — J’en tire tout le parti possible, car je ne m’occupe que de cela. – Qui vient ici ? Quelles nouvelles, Borachio ?

(Entre Borachio.)

BORACHIO. — J’arrive ici d’un grand souper. Léonato traite royalement le prince votre frère, et je puis vous donner connaissance d’un mariage projeté.

DON JUAN. — Est-ce une base sur laquelle on puisse bâtir quelque malice ? Nomme-moi le fou qui est si pressé de se fiancer à l’inquiétude.

BORACHIO. — Eh bien ! c’est le bras droit de votre frère.

DON JUAN. — Qui ? le merveilleux Claudio ?

BORACHIO. — Lui-même.

DON JUAN. — Un beau chevalier ! Et à qui, à qui ? Sur qui jette-t-il les yeux ?

BORACHIO. — Diantre ! – Sur Héro, la fille et l’héritière de Léonato.

DON JUAN. — Poulette précoce de mars ! Comment l’as-tu appris ?

BORACHIO. — Comme on m’avait traité en parfumeur, et que j’étais chargé de sécher une chambre qui sentait le moisi, j’ai vu venir à moi Claudio et le prince se tenant par la main. Leur conférence était sérieuse ; je me