Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/295

Cette page n’a pas encore été corrigée

luxure, avare, faux, trompeur, capricieux, violent, et infecté de tous les vices qui ont un nom ; mais il n’y a point de limites, il n’y en a aucune à mes ardeurs de volupté : vos femmes, vos filles, vos matrones et vos servantes, ne pourraient combler le gouffre de mon incontinence, et mes désirs renverseraient tous les obstacles que la vertu opposerait à ma volonté. Macbeth vaut mieux qu’un pareil roi,

MACDUFF. — Une intempérance sans fin est une tyrannie de la nature ; elle a plus d’une fois avant le temps rendu vacant un trône fortuné, et causé la chute de beaucoup de rois. Mais ne craignez point pour cela de vous charger de la couronne qui vous appartient. Vous pouvez abandonner à votre passion une vaste moisson de voluptés, et paraître encore tempérant, tant il vous sera aisé de fasciner le public. Nous avons assez de dames de bonne volonté, et vous ne pouvez renfermer en vous-même un vautour capable de dévorer toutes celles qui viendront s’offrir d’elles-mêmes à l’homme revêtu du pouvoir, aussitôt quelles auront découvert son inclination.

MALCOLM. — Outre cela, au nombre de mes penchants désordonnés s’élève en moi une avarice si insatiable, que, si j’étais roi, je ferais périr les nobles pour avoir leurs terres ; je convoiterais les joyaux de l’un, le château d’un autre ; et plus j’aurais, plus cet assaisonnement augmenterait mon appétit, en sorte que je forgerais d’injustes accusations contre des hommes honnêtes et fidèles, et je les détruirais par avidité de richesses.

MACDUFF. — L’avarice pénètre plus avant et jette des racines plus pernicieuses que l’incontinence, fruit de l’été[1] ; elle a été le glaive qui a égorgé nos rois. Cependant ne craignez rien : l’Écosse contient des richesses à foison pour assouvir vos désirs, même de votre propre bien ; tous ces vices sont tolérables quand ils sont balancés par des vertus.

MALCOLM. — Mais je n’en ai point : tout ce qui fait l’ornement

  1. Summer seeding lust.