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ACTE III, SCÈNE XI.

lui, en mon nom, tout ce qu’elle te demandera ; ajoute toi-même des offres de ton invention. Les femmes dans la meilleure fortune ne sont pas fortes ; mais l’infortune rendrait parjure les vestales mêmes. Essaye ton adresse, Thyréus, fixe toi-même ta récompense, tes désirs seront obéis comme des lois.

Thyréus.

César, je pars.

César.

Observe comment Antoine soutient son malheur ; apprends-moi ce que tu conjectures de sa manière d’agir et de ses démarches.

Thyréus.

César, je le ferai.



Scène XI

Alexandrie. — Appartement du palais.
Entrent CLÉOPÂTRE, ÉNOBARBUS, CHARMIANE, IRAS.
Cléopâtre.

Que faut-il faire, Énobarbus ?

Énobarbus.

Penser et mourir[1].

Cléopâtre.

La faute est-elle à Antoine ou à moi ?

Énobarbus.

À Antoine seul : lui qui permet à sa volonté de maîtriser sa raison. Eh ! qu’importe que vous ayez fui loin de ce grand spectacle de la guerre, où la terreur passait alternativement d’une flotte à l’autre ! Pourquoi vous a-t-il suivie ? L’ardeur de son affection n’aurait pas dû porter un coup fatal à sa réputation de grand capitaine, au moment où la moitié de l’univers combattait l’autre, lui, étant le seul sujet de la querelle. Ce fut une honte égale à sa perte d’aller suivre vos pavillons fuyants et d’abandonner sa flotte étonnée de sa fuite.

  1. Les uns veulent qu’il y ait drink and die, boire et mourir, parce que Énobarbus est ami des festins ; mais la plus ancienne version porte think and die ; et d’ailleurs Énobarbus est indigné et cherche à justifier la trahison qu’il médite ; naturellement généreux, ce n’est pas avec une gaieté hypocrite qu’il se prépare à déserter.