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ACTE II, SCÈNE VII.

quand il se retire, le laboureur sème son grain sur le limon et la vase, et bientôt les champs sont couverts d’épis.

Lépide.

Vous avez là de prodigieux serpents.

Antoine.

Oui, Lépide.

Lépide.

Vos serpents d’Égypte naissent du limon par l’opération de votre soleil : il en est de même de vos crocodiles ?

Antoine.

Tout comme vous le dites.

Pompée.

Asseyons-nous, et qu’on apporte du vin. Une santé à Lépide.

Lépide.

Je ne suis pas aussi bien que je devrais être, mais jamais je ne reculerai.

Énobarbus, à part.

Non, jusqu’à ce que vous ayez dormi. Jusque-là, je crains bien que vous n’avanciez.

Lépide.

Oui, j’ai entendu dire que les pyramides de Ptolémée étaient bien belles. En vérité, je l’ai entendu dire.

Ménas, à part, à Pompée.

Pompée, un mot…

Pompée.

Parle-moi à l’oreille. Que veux-tu ?

Ménas, à part, à Pompée.

Levez-vous, mon général, je vous en conjure, et daignez m’entendre.

Pompée.

Laisse-moi ; tout à l’heure… — Cette coupe pour Lépide.

Lépide.

Quelle espèce d’animal est-ce que votre crocodile ?

Antoine.

Il a la forme d’un crocodile ; il est large de toute sa largeur et haut de toute sa hauteur. Il se meut avec ses propres organes ; il vit de ce qui le nourrit ; et quand ses éléments se décomposent, la transmigration s’opère.

Lépide.

De quelle couleur est-il ?

Antoine.

De sa couleur naturelle.

Lépide.

C’est un étrange serpent !

Antoine.

Oui ! et les pleurs qu’il verse sont humides.

César.

Sera-t-il satisfait de cette description ?

Antoine.

Il le sera de la santé que Pompée lui propose, ou sinon c’est un véritable Épicure.

Pompée, à Ménas.

Allons, va te faire pendre. Tu viens