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ACTE II, SCÈNE V.

Le messager.

Mais cependant, madame…

Cléopâtre.

Je n’aime point ce mais cependant, il gâte les bonnes nouvelles ; j’abhorre ce mais qui précède cependant. Mais cependant est comme un geôlier qui va traîner après lui quelque monstrueux malfaiteur. De grâce, ami, verse tout ce que tu portes dans mon oreille, le bien et le mal à la fois… Il est ami de César, il est en pleine santé, dis-tu ? il est libre, dis-tu encore ?

Le messager.

Libre, madame, non ; je ne vous ai rien dit de semblable. Il est lié à Octavie.

Cléopâtre.

Pour quel service ?

Le messager.

Pour le meilleur service, celui du lit.

Cléopâtre.

Je pâlis, Charmiane.

Le messager.

Madame, il est marié à Octavie.

Cléopâtre.

Que la peste la plus contagieuse t’atteigne !

Le messager.

Madame, de la patience.

Cléopâtre.

Que dis-tu ? Sors d’ici, horrible scélérat ! (Elle le frappe) ou avec mon pied je repousserai tes yeux comme des billes ; j’arracherai tous les cheveux de ta tête. (Elle le maltraite.) Tu seras fouetté avec des verges de fer trempées dans de l’eau salée ; tes plaies, imprégnées de saumure, seront cuisantes.

Le messager.

Gracieuse reine, je vous apporte ces nouvelles, mais je n’ai pas fait le mariage.

Cléopâtre.

Dis que ce n’est pas vrai, et je te donnerai une province ; tu parviendras à la fortune la plus brillante. Le coup que tu as reçu te fera pardonner de m’avoir mise en fureur, et je t’accorderai, en outre, tout ce que tu jugeras à propos de demander.

Le messager.

Il est marié, madame.

Cléopâtre.

Scélérat, tu as trop vécu.

(Elle tire un poignard.)
Le messager.

Ah ! alors, je me sauve. Madame, que prétendez-vous ? Je ne suis coupable d’aucune faute.

Charmiane.

Madame, contenez-vous ; cet homme est innocent.

Cléopâtre.

Il est des innocents qui n’échappent pas à la foudre !… Que l’Égypte s’ensevelisse dans le Nil, et que