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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.

Alexas.

Vous croyez que votre couche est la seule confidente de vos désirs.

Charmiane.

Allons, viens. Dis aussi à Iras sa bonne aventure.

Alexas.

Nous voulons tous savoir notre destinée.

Énobarbus.

Ma destinée, comme celle de la plupart de vous, sera d’aller nous coucher ivres ce soir.

Le devin.

Voilà une main qui présage la chasteté, si rien ne s’y oppose d’ailleurs.

Charmiane.

Oui, comme le Nil débordé présage la famine…

Iras.

Allez, folâtre compagne de lit, vous ne savez pas prédire.

Charmiane.

Oui, si une main humide n’est pas un pronostic de fécondité, il n’est pas vrai que je puisse me gratter l’oreille. — Je t’en prie, dis-lui seulement une destinée tout ordinaire.

Le devin.

Vos destinées se ressemblent.

Iras.

Mais comment, comment ? Citez quelques particularités.

Le devin.

J’ai dit.

Iras.

Quoi ! n’aurai-je pas seulement un pouce de bonne fortune de plus qu’elle ?

Charmiane.

Et si vous aviez un pouce de bonne fortune de plus que moi, où le choisiriez-vous ?

Iras.

Ce ne serait pas au nez de mon mari.

Charmiane.

Que le ciel corrige nos mauvaises pensées ! — Alexas ! allons, sa bonne aventure, à lui, sa bonne aventure. Oh ! qu’il épouse une femme qui ne puisse pas marcher. Douce Isis[1], je t’en supplie, que cette femme meure ! et alors donne-lui-en une pire encore, et après celle-là d’autres toujours plus méchantes, jusqu’à ce que la pire de toutes le conduise en riant à sa tombe, cinquante fois déshonoré. Bonne Isis, exauce ma prière, et, quand tu devrais me refuser dans des occa-

  1. Les Égyptiens adoraient la lune sous le nom d’Isis, qu’ils représentaient tenant dans sa main une sphère et une amphore pleine de blé.