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tambours, battez l’alarme ! Que le ciel n’entende pas les rapports de ces femmes qui accusent l’oint du Seigneur. Sonnez, vous dis-je. (Fanfare, alarme.) Modérez-vous, et parlez-moi sans invective, ou je vais continuer d’étouffer le bruit de vos cris sous la voix bruyante de la guerre.

La Duchesse.― Es-tu mon fils ?

Le roi Richard. ― Oui, grâce à Dieu, à mon père et à vous.

La Duchesse.― Écoute donc patiemment les expressions de ma colère.

Le roi Richard. ― Madame, je tiens de vous un caractère qui ne peut supporter l’accent du reproche.

La Duchesse.― Oh ! laisse-moi parler.

Le roi Richard. ― Parlez, mais je ne vous entendrai pas.

La Duchesse.― Je serai douce et modérée dans mes paroles.

Le roi Richard. ― Et brève, ma bonne mère, je suis pressé.

La Duchesse.― Qui te presse si fort ?…. Combien de temps t’ai-je attendu, moi, Dieu le sait, dans les tourments et l’agonie ?

Le roi Richard. ― Et ne suis-je pas enfin venu au monde vous consoler de vos douleurs ?

La Duchesse.― Non ; par la sainte croix, tu le sais bien : tu es venu sur la terre pour me faire de la terre un enfer. Ta naissance fut un fardeau douloureux pour ta mère ; ton enfance fut chagrine et colère ; les jours de ton éducation effrayants, sauvages et furieux. Ta première jeunesse fut téméraire, audacieuse, cherchant les dangers ; et dans l’âge qui l’a suivit, tu fus orgueilleux, subtil, faux et sanguinaire, tu devins plus calme, mais plus dangereux, et caressant dans ta haine. Quelle heure de consolation, dis-moi, ai-je jamais goûtée dans ta société ?

Le roi Richard. ― Par ma foi aucune, si ce n’est l’heure d’Humphroy, qui vous appela une fois à déjeuner pendant