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SCÈNE V.

moll.

— Muette, et pis encore, pas mariée ! — Ni parole, ni baiser ! double calamité !

Elle sort.
george.

Ainsi, tout va bien jusqu’à présent. Je joue mon rôle de devin aussi bien que si j’avais une sorcière pour grand’maman. Par un heureux hasard, étant dans le verger de mon auberge qui avoisine le jardin de la veuve, j’ai appliqué le trou de mon oreille à un trou de la muraille, et j’ai entendu ces créatures proférer les vœux et dire les paroles dont j’ai fait ainsi mon profit ; et, ce qui m’encourage dans mon stratagème, c’est que je leur découvre une simplicité naturelle qui avalera aisément n’importe quelle énormité, pourvu qu’elle soit suffisamment couverte. Pour confirmer mon premier présage, j’ai chargé Pierre Escarmouche, le vieux soldat, de blesser à la jambe le caporal Juron ; je m’élancerai entre eux deux, dans la bagarre ; et, au lieu de donner au caporal un cordial pour le réconforter, je lui verserai dans la bouche un narcotique qui le fera passer pour mort ; puis, le vieux soldat étant arrêté et sur le point d’être mené à l’exécution, j’interviendrai et je m’engagerai à guérir l’homme mort, sous peine de subir moi-même le supplice du condamné ; le caporal s’éveillera à la minute précise où l’action du narcotique sera épuisée, et ainsi je m’assurerai l’admiration générale, et, fort d’un tel prestige, je ferai valoir mon adresse quand j’en trouverai l’occasion. Si cet imbécile de Nicolas fait de la chaîne exactement ce que je lui ai dit, mon plan aura réussi, le capitaine sera délivré, et mon esprit sera a jamais vanté par les étudiants et par les soldats.

Il sort.