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APPENDICE.

nant en dégoût son mari, chercha les moyens de hâter sa fin.

Il y avait à Feversham un peintre qui passait pour habile a composer les poisons. Elle lui demanda donc s’il avait, oui ou non, cet art. Il avoua qu’il l’avait effectivement : — « Eh bien, dit-elle, je voudrais un poison assez violent pour dépêcher sur-le-champ celui qui le prendrait. » — « Je puis vous le procurer, » dit-il, et immédiatement il lui fit un poison de cette sorte ; puis il lui recommanda de le mettre au fond d’une écuelle, et de verser du lait par dessus. Elle oublia cette recommandation, et fit exactement le contraire, versant le lait d’abord et ensuite le poison. Un jour que maître Arden se proposait d’aller à cheval à Cantorbéry, sa femme lui apporta son déjeuner, composé habituellement de lait et de beurre. Lui, ayant pris une ou deux cuillerées de lait, n’en aima ni le goût ni la couleur, et dit à sa femme :

— Mistress Alice, quel lait m’avez-vous donné là ?

Sur ce, elle le répandit à terre avec sa main, en disant :

— Je vois que rien ne peut vous plaire.

Alors Arden monta à cheval et partit pour Cantorbéry, et, sur la route, il fut pris de coliques violentes par en haut et par en bas, et il échappa ainsi pour cette fois.

Après cela, sa femme fit connaissance d’un certain Greene de Feversbam, tenant de sir Anthony Ager, auquel Greene maître Arden avait extorqué une pièce de terre, située derrière l’abbaye de Feversham ; et plusieurs fois des coups et de grosses menaces avaient été échangés entre eux à ce sujet. Sachant donc que Greene haïssait son mari, Alice se concerta avec lui pour faire disparaître Arden, et décida que, s’il pouvait trouver quelqu’un qui voulût bien commettre le meurtre, l’assassin aurait dix livres de récompense. Ce Greene, ayant une mission à remplir pour son maître, eut occasion d’aller à Londres, où était alors sir Anthony Ager,