Page:Sewrin, Brazier Jean qui pleure et Jean qui rit - 1815.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

BEAU-SOLEIL.

Vous ne voyez pas ?… Et moi je vois là… toujours là, une personne qui agite furieusement mon cœur.

AURORE.

Quelle est donc cette personne ?

BEAU-SOLEIL.

Vous osez, hélas ! le demander ! C’est vous.

AURORE.

Moi ?

BEAU-SOLEIL.

Oui, vous. Je vous vois partout : en ville, aux champs, chez ; moi, dehors, comme dit la chanson, et pourtant il faut que je vous quitte.

AURORE.

Me quitter !

BEAU-SOLEIL.

Oui, mademoiselle ; j’ai réfléchi au sot rôle que joue un mari qui n’apporte rien à sa femme.

AURORE.

Ne vous tourmentez donc pas l’esprit de ces misères-là, M. Beau-Soleil.


Air : Armé d’un carquois.

Votre amour est tout votre bien,
Je n’en veux pas d’autre en partage,
S’aimer est le plus sûr moyen
De vivre heureux dans son ménage.
Avec tant soit peu de vertu,
Lorsqu’à son époux l’on sait plaire,
On méprise le superflu,
Tant que l’on a le nécessaire.

BEAU-SOLEIL.

Vous pensez comme cela ; mais mon amour aux yeux de vos parens est comme zéro.

AURORE.

Attendez encore ; le moment n’est pas venu.

BEAU-SOLEIL.

Quand le moment sera venu, je serai parti.

AURORE.

Parti ?

BEAU-SOLEIL.

Dans une heure, peut-être, nous serons je ne sais où.

AURORE.

Avec quel air de tranquilité vous me dites tout cela !

BEAU-SOLEIL.

Quand je me tuerais, cela ne me rendrait pas plus heureux.