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son secours, quoique le beau lieutenant ne l’assiégeât guère à vrai dire. Et Liette s’y emploie si bien, y apporte tant de dévouement que l’officier n’a plus d’yeux et d’oreilles que pour elle.

Ainsi couverte, masquée, complètement évincée, Nise se voit réduite à écouter le babil puéril de sa cadette. Chose curieuse, au lieu de lui en savoir gré, elle lui en veut un peu. Avait-elle tant besoin d’être protégée ? Pour une fois, elle se le demande. Ce beau grand garçon, si simple et si courtois, l’intimidait-il bien tant que cela ? Elle en doute. Et — voyez sa présomption ! — elle s’imagine presque qu’elle aurait pu se tirer d’affaire sans Liette, dont l’initiative lui cause comme un vague sentiment de regret et d’humiliation.

Peu en chaut à Liette, qui est loin de soupçonner l’état d’esprit de son aînée. L’officier parle assez bien français, l’entretien ne languit pas et, avec elle, il n’y a pas de flegme qui tienne, la glace a tôt fait de fondre. Pour discret qu’il soit, le beau lieutenant ne peut que se mettre au diapason. Questions et réponses se croisent donc, tous deux mêlant le français à l’anglais et riant de leur accent ou de leurs pataquès. Au bout de quelques minutes, on dirait qu’ils se connaissent de longue date. C’est là, proprement, prérogative de mondains. L’habitude des salons n’est-elle une seconde nature ? Et si Liette ne fréquente pas encore dans le monde, la nature chez elle supplée à l’habitude.

Bref, elle est à son affaire.

Mais la halte est courte ; l’heure s’avance et il va falloir se dire adieu. L’officier s’en avise et, avec une belle franchise qui n’exclut pas cette parfaite délicatesse que l’on appelle le tact, il exprime à Liette le plaisir qu’il a eu de faire connaissance avec elle et sa désolation de la quitter si vite. Mais peut-être voudrait-elle bien lui faire l’honneur de l’agréer comme correspondant ?

— Comment ? minaude-t-elle, ravie au fond,