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CYRANETTE

IX

Il y a encore passablement de légèreté dans les élucubrations épistolaires de la jeune Mrs Wellstone, passablement d’infatuation et d’inconscience. Et, à la lire, Nise éprouve parfois cette crispation involontaire et cette souffrance aiguë qu’il lui a fallu si souvent subir depuis les fiançailles de sa sœur. Mais son parti est pris. Elle n’oubliera jamais et, n’ayant pu être à Robert, jamais elle ne sera à un autre seulement, la résignation est venue. Et, si son cœur est un peu plus torturé quand Liette lui parle de Robert en termes dithyrambiques, son âme au contraire éprouve comme une douce détente à la pensée que les jeunes époux font bon ménage. Après tout, ce n’est peut-être qu’une affaire de concessions réciproques. Si Liette se montre assez aimante et pas trop fantasque, si Robert, de son côté, renonce à s’expliquer l’inexplicable, pourquoi l’entente ne régnerait-elle pas entre eux comme elle finit par s’établir chez des couples assurément moins bien partagés ?

De Londres, Liette a écrit ce qui suit :

« Ma Nise,

« Vous avez dû, père, mère et toi, — sans compter M. le curé, recevoir les vues que je vous ai envoyées de Boulogne et de Folkestone. Quelques détails toutefois sur la traversée et le reste ne vous paraîtront probablement pas superflus, car je n’y ai fait qu’allusion dans mes dernières cartes.

« La Manche ne ressemble pas du tout à la Méditerranée, ma chérie. Bien qu’on soit au mois de juin, il ventait à démâter les barques quand