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CYRANETTE

lui satisfaction. Ça lui sera tout aussi salutaire et agréable que nos larmes et nos soupirs, voire que nos évocations des félicités posthumes. Je suis croyante, moi aussi. Ne le serais-je pas que M. le curé, qui est une façon d’apôtre, aurait tôt fait de me convertir. Mais, soit dit entre nous, si je ne doute pas de l’immortalité de l’âme, ni d’une seconde existence, l’au delà ne m’attire guère en ce moment-ci, je m’accommode des faibles satisfactions que l’on peut trouver dans cette vallée de larmes et, sans m’écrier, comme je ne sais quel roi : « Après nous le déluge ! » ou : « Après nous la fin du monde » — je ne me rappelle plus bien, — il me semble sage de profiter un peu des biens terrestres. Plus tard, quand je serai toute ridée et ratatinée, peut-être ne raisonnerai-je pas ainsi. Peut-être aurai-je hâte de dépouiller ma guenille. Mais…

Mais Nise l’écoute-t-elle seulement ?

Elles ont beau se faire des concessions mutuelles — Nise surtout, — jamais leurs idées ne concordent étroitement et vient toujours un moment où tout ce que peut dire l’une n’a plus d’intérêt pour l’autre, quand pour cette autre tout cela ne détonne pas étrangement.

C’est ce qui navre Nise et lui inspire tant d’inquiétude pour l’avenir. Sachant à quel point Robert communie avec elle, elle se demande comment il pourra s’entendre avec Liette, qui n’a ni son tour d’esprit, ni ses penchants, ni ses aspirations profondes. Et la réponse est si désespérante que, pour ceci comme pour le reste, elle n’a d’autre recours que de s’en remettre à Dieu.