Page:Selden – Les Derniers Jours de Henri Heine, 1884.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dissement obscurcissait mes idées, et, pendant les jours suivants, je n’éprouvai qu’une sensation nette, celle d’un calme plat qui ne finirait qu’avec moi-même, quelque chose comme le désespoir du naufragé qui n’échappe à la tempête que pour périr dans un désert.

Donc, c’était fini, à jamais fini. Plus de douces paroles, plus de mots tendres, plus de cris de joie, ou, ce qui me remuait encore davantage, d’imprécations, de malédictions, de colère, si, par aventure, je me faisais attendre, ou s’il me fallait abréger ma visite. Comme le lion bondissait sur sa couche quand j’entrais ! Et quels reproches, si j’étais en retard ! L’image d’un supplice résumé en deux mots, un cri d’angoisse : « Tu ne sais pas, tu ne sais pas ce que signifie le mot attendre pour Prométhée enchaîné sur son rocher ! » Qui m’aimerait jamais ainsi, maintenant, autour de moi ?