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déplaire pas : & nous liaſmes en ce moment une amitié que la ſeule mort peut rompre. Apres les premieres civilitez, je luy fis sçavoir l’ordre que j’avois reçeu de ne tarder point à Delphes, & de m’en aller à Anticire : mais il me dit qu’il faloit du moins differer d’un jour ce départ : & qu’il y avoit une trop belle ceremonie à voir le lendemain, pour m’en aller ſans l’avoir veuë. Je m’informay alors de ce que c’eſtoit, & il m’aprit qu’il y avoit à Delphes des Ambaſſadeurs de Creſus Roy de Lydie, qui venoient conſulter l’Oracle : & qui aportoient des Offrandes ſi magnifiques, qu’il eſtoit aiſé de juger qu’elles venoient du plus riche Roy de l’Aſie. Puis que ces Offrandes doivent demeurer au Temple, luy dis-je, je les verray à mon retour : Il eſt vray, me repliqua t’il, mais vous ne verrez pas en un ſeul jour, toutes les belles Perſonnes de la Ville aſſemblées, comme elles le ſeront demain au Temple, ny une ceremonie auſſi grande que celle là : car on ne reçoit pas les Offrandes des particuliers comme celles des Rois. Quant à la ceremonie, luy dis-je en riant, je pourrois peut-eſtre m’en conſoler : Mais puis que vous m’aſſurez que je connoiſtray tout ce qu’il y a de beau à Delphes en une ſeule occaſion, je ſuivray voſtre conſeil, & je ne partiray qu’apres demain. Nous nous ſeparasmes de cette ſorte Meleſandre & moy : & le jour ſuivant il me vint prendre de fort bon matin, afin de me faire voir exactement toute la ceremonie, comme ſi j’euſſe eſté Eſtranger, & que nous puſſions eſtre bien placez pour voir tout. Quelque indifference que je luy euſſe teſmoigné avoir pour ces Feſtes, il eſt pourtant certain que je regarday d’abord avec plaiſir tout ce que l’on fit en celle là : & je fus comme les autres voir le Threſor du Temple, que l’on montra aux Ambaſſadeurs de Creſus, avant