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PREMIERE HISTOIRE.

L’Abſence dont je me pleins, & que je ſoutiens qui comprend tous les maux que l’amour peut cauſer : eſt un ſuplice ſi grand, à une perſonne qui connoiſt parfaitement de la delicateſſe des ſentimens de cette paſſion : que je ne craindray point de dire, que celuy qui peut eſtre abſent de ce qu’il aime, ſans une extréme douleur, ne reçoit pas grand plaiſir de la veuë de la perſonne aimée : & ne merite pas de porter la glorieuſe qualité d’Amant. Je dis la glorieuſe qualité d’Amant : eſtant certain qu’il y a je ne sçay quoy de beau, à eſtre capable de cette noble foibleſſe, qui fait faire de ſi grandes choſes, aux illuſtres Perſonnes qui s’en trouvent quelqueſfois ſurprises. Mais entre tous ceux qui ont jamais reſſenti cette eſpece de malheur dont je parle, il eſt certain que je penſe eſtre celuy de tous, qui l’ay le plus rigoureuſement eſprouvé : puis qu’il ſemble que l’Amour ne m’ait fait voir la merveilleuſe Perſonne que j’adore, que pour m’en faire ſentir l’abſence, avec toutes les cruelles ſuittes qu’elle peut avoir. C’eſt pourquoy-je ne doute nullement, que je n’obtienne à la fin de mon recit, la ſeule douceur que peuvent eſperer