Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/74

Cette page n’a pas encore été corrigée

vous, dit il s’adreſſant à Marteſie, vous sçavez bien que voſtre Parti ſera toujours le mien. Vous me faites trop d’honneur, luy reſpondit elle : mais Seigneur, bien loin d’avoir querelle avec de ſi honneſtes gens, vous sçaurez que je ſuis leur Juge. Il eſt vray Seigneur, adjouſta t’elle en riant, que ſi je n’avois pas deſhonoré cette Charge, depuis quelques momens que je la poſſede, je vous ſuplierois de la vouloir prendre : & de vouloir vous donner la peine de juger un fameux different, qui eſt entre le Prince Artibie, Thimocrate, Philocles, & Leontidas. Me preſervent les Dieux, reprit Cyrus, d’avoir une penſée ſi injuſte, que celle de vous dépoſſeder d’un employ ſi glorieux : & je vous prendrois bien pluſtost pour mon Juge, ſi j’avois quelque choſe à diſputer comme eux, que je ne ferois ce que vous voulez que je faſſe. En ſuitte de ce compliment, comme il eſtoit le plus civil Prince du monde ; & que de plus il avoit beſoin de la valeur ne tous ces Capitaines, pour delivrer Mandane, il eut encore en cette rencontre un redoublement de complaiſance & de bonté pour gagner leurs cœurs : luy ſemblant que plus il les flattoit, plus ils combatroient courageuſement pour ſa Princeſſe. Il s’informa donc avec adreſſe, & avec beaucoup de douceur, du ſujet de la contention : & Marteſie le luy ayant raconté en peu de mots. Juges, luy dit elle Seigneur, ſi j’avois tort de croire que vous ſeriez meilleur Juge que moy d’une ſemblable choſe. Je ſerois trop preocupé, reprit il en ſoupirant : & vous agirez ſans doute avec plus d’equité par voſtre ſeule raiſon, que je ne ferois avec toute mon experience. En ſuitte de cela, comme cette matiere touchoit en effet ſon inclination, & ne regardoit que des choſes qu’il avoit ſenties,