Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée

beaucoup de plaiſir, eſtant certain que ſa converſation eſtoit tres agreable, Non ſeulement elle avoit naturellement de l’eſprit, mais de l’eſprit cultivé : entendant une partie des Langues les plus celebres de l’Europe & de l’Aſie. Entre tous ceux qui la voyoient, Thraſibule, & tous ces illuſtres Grecs qui eſtoient à l’Armée ; c’eſt à dire Thimocrate, Philocles, & Leontidas, la viſitoient tres ſouvent. Le Prince Artibie eſtoit auſſi un de ceux qui la voyoient le plus : de ſorte que la Compagnie eſtoit tres divertiſſante chez elle : eſtant compoſée de perſonnes qui l’eſtoient infiniment. Un jour entre les autres, que Marteſie & Erenice ſa parente eſtoient ſeules, le Prince Artibie accompagné de Thimocrate, de Philocles, & de Leontidas, l’eſtant venuë voir, la converſation fut ſans doute aſſez belle : eſtant certain que les Grecs de ce temps là pour l’ordinaire avoient une delicateſſe d’eſprit, qui n’eſtoit pas ſi comme aux autres Nations. Artibie quoy qu’il ne fuſt que Cilicien, eſtoit un Prince tres accomply : & qui encore qu’il paruſt fort melancolique, ne laiſſoit pas d’eſtre tres ſociable. Thimocrate avoit auſſi reçeu de la Nature tous les avantages du corps, qu’elle peut donner à une perſonne de ſon ſexe : Mais, il avoit de plus un eſprit adroit & galant, qui le rendoit tres agreable. Philocles n’eſtoit pas moins parfait en toutes choſes : & la complaiſance de ſon humeur avoit je ne sçay quoy de bien charmant. Leontidas eſtoit d’une taille avantageuſe & belle : tous les traits de ſon viſage eſtoient nobles : & il avoit dans la phiſionomie je ne sçay quelle melancolie fiere, douce, & chagrine tout enſemble, qui ne déplaiſoit pas. Et quoy qu’il euſt quelque inegalité dans l’humeur, & quelque bizarrerie