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n’ay eſté bleſſé qu’apres que le combat a eſté finy, & que s’a eſté par un de mes compagnons, qui vouloit avoir un cheval que j’avois gagné, j’ay fort bien veû que le Roy d’Aſſirie a fait grand honneur à cette Princeſſe, lors qu’il a aproché de ſon Chariot : & c’eſt ce qui eſt cauſe qu’il n’a pas pris le Chef de ces gens de guerre : parce qu’il n’a pas plus toſt eu ce Chariot en ſa puiſſance, qu’il ne s’eſt plus ſoucié du reſte. Cyrus aprenant cette nouvelle, eut en meſme temps la plus grande joye, dont un cœur puiſſe eſtre capable : & la plus grande douleur, qu’un veritable Amant puiſſe ſentir. Il aprenoit que ſa chere Mandane eſtoit delivrée : mais sçachant que c’eſtoit par ſon Rival, il en avoit une affliction extréme. De plus, il sçavoit que le Roy de Pont eſtoit échapé : ainſi il euſt bien voulu aller apres pour le combatre : neantmoins il ne pouvoit pas sçavoir que Mandane fuſt en la puiſſance du Roy d’Aſſirie, ſans y aller en diligence. Si bien qu’abandonnant le deſſein de pourſuivre un Rival infortuné, il prit celuy de ſuivre un Rival heureux. Il retourna donc encore une fois ſur ſes pas, apres avoir commandé que quelques uns des ſiens euſſent ſoin de ces bleſſez, & de la ſepulture de ces morts : & arrivant au bout de ce meſme Pont qu’il avoit deſja paſſé & repaſſé, il n’heſita pas beaucoup : car il ne creût pas que le Roy d’Aſſirie euſt quitté le coſté de le Riviere qu’il avoit pris : de ſorte qu’il alla tout droit vers le rendez-vous qu’ils s’eſtoient donnez en ſe ſeparant : mais il y fut l’eſprit ſi agité & ſi inquiet, qu’il n’eſtoit pas Maiſtre de ſes propres penſées. La nuit venant tout d’un coup, augmenta encore ſon chagrin, parce qu’il ne pouvoit plus aller ſi viſte : il fut meſme contraint de s’arreſter ; à cauſe qu’ayant