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paix, malgré tout la guerre d’Aſie. Comme ils y furent arrivez, ils aprirent qu’Abradate avoit deſja paſſé, & qu’il alloit vers un coing de la Cilicie : ils sçeurent meſme qu’il y avoit pluſieurs Chariots pleins de Dames, que ces Troupes conduiſoient : de ſorte que leur ardeur ſe renouvellant encore par ces nouveaux advis, ils ſongerent comment ils feroient. Car par la route que tenoit Abradate, il y avoit une Riviere, le long de laquelle il faloit qu’il allaſt aſſez long temps : mais comme ils ne pouvoient pas sçavoir de quel coſté ſeroit Mandane, parce qu’ils sçavoient que les Troupes d’Abradate s’eſtoient ſeparées ; que les unes avoient paſſé un Pont & pris la droite de la Riviere, & que les autres eſtoient demeurées à la gauche, ils reſolurent de ſe ſeparer comme eux. Si bien que Cyrus donnant genereuſement la moitié de ſes gens à ſon Rival, & partageant meſme les Volontaires malgré qu’ils en euſſent ; ils tirerent au ſort, pour voir quel coſté ils prendroient : & Cyrus eut celuy qui eſtoit le plus loing de l’Armenie ; & le Roy d’Aſſirie eut l’autre. Mais auparavant que de ſe ſeparer, ils renouvellerent tous deux les promeſſes qu’ils s’eſtoient faites : de delivrer leur Princeſſe, ſans vouloir tirer aucun avantage de cette liberté, qu’ils ne ſe fuſſent batus enſemble : ainſi apres s’eſtre promis tout de nouveau une fidelité mutuelle, tous ennemis qu’ils eſtoient : ils ſe ſeparerent, & ſe ſuivant des yeux durant quelque temps, chacun ſouhaitoit dans ſon cœur, de pouvoir eſtre plus heureux que ſon Rival. Cyrus impatient de retrouver ſa chere Mandane, alloit à la teſte des ſiens, & les devançoit meſme bien ſouvent d’aſſez loing ; s’informant de ſa propre bouche à tous ceux qu’il rencontroit, s’ils n’avoient point veû paſſer de la Cavalerie &