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pas que cette Princeſſe fuſt en mes mains : & que ce n’eſtoit qu’un pretexte pour animer davantage les Peuples & les Soldats à la guerre qu’on me vouloit faire, ſeulement pour m’obliger à payer encore à Ciaxare le meſme Tribut que j’avois payé à Aſtiage. Mais ce Tribut, repliqua Cyrus, n’eſtoit il pas deû, & ne deviez vous pas le payer ; Ouy, reſpondit il : mais le deſir de la liberté, & celuy de laiſſer mes Enfans abſolument libres, m’a fait reſoudre à faire une injuſtice qui euſt eſté glorieuſe, ſi elle euſt bien ſuccedé. Et ſi vous eſtiez à la place du Roy des Medes, interrompit Cyrus, & qu’un Prince voſtre Vaſſal euſt fait ce que vous venez de faire, qu’en feriez vous ? Si j’agiſſois ſelon les maximes de la Politique, reprit ce Prince ſans s’eſmouvoir, je luy oſterois de telle ſorte le pouvoir de me nuire, qu’il ne pourroit jamais en avoir au plus que la volonté ſeulement : mais ſi je voulois meriter la reputation que poſſede Cyrus aujourd’huy, ou la ſoutenir ſi je l’avois aquiſe, je pardonnerois à ce Prince : & d’un Vaſſal rebelle, j’en ferois un Amy reconnoiſſant. Soyez donc celuy du Roy des Medes, reprit Cyrus : mais ſoyez le veritablement, ſi vous ne voulez eſprouver toute la rigueur d’un Prince puiſſant, & juſtement irrité. Le Roy d’Armenie fut ſi ſurpris d’entendre parler Cyrus de cette ſorte, qu’il craignit de n’avoir pas bien entendu : c’eſt pourquoy Cyrus eut le loiſir de ſe tourner vers Tigrane, & de luy demander en ſouriant fort obligeamment, malgré ſa melancolie, quelle rançon il vouloit donner pour delivrer la Princeſſe Oneſile ſa Femme ? Ma propre vie Seigneur, reſpondit Tigrane avec precipation : car comme il n’eſt rien au monde qui me ſoit ſi cher que cette Perſonne, je