Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée

celle de voſtre merite, & des obligations qu’elle vous a vous puſſiez douter que voſtre priſon ne l’euſt affligée, & que voſtre liberté ne l’euſt reſjouïe. Comment voulez vous, reprit Cyrus, que je me fie à rien, apres l’inhumanité que vous avez euë, de ne vouloir ſimplement que me preſter le Portrait de Mandane ? N’ay-je pas lieu de croire, cruelle fille que vous eſtes, que vous n’avez agi ainſi, que par la connoiſſance parfaite que vous avez, des ſentimens de noſtre incomparable Maiſtresse ? Car ſi vous ne sçaviez pas qu’elle n’a pour moy qu’une ſimple eſtime, accompagnée au plus de quelque legere tendreſſe : euſſiez vous pû me voir priſonnier ; malheureux ; abſent de ce que j’adore ; & privé de toute conſolation ; ſans me faire un preſent d’une choſe qui pouvoit charmer tous mes ennuis, & ſuspendre toutes mes douleurs ? Advoüez la verité Marteſie, voſtre cruauté pour moy en cette rencontre, n’eſt elle pas un effet des ſentimens ſecrets que vous sçavez qui ſont dans le cœur de noſtre divine Princeſſe ? Vous eſtes ſi ingenieux avons perſecuter, reprit Marteſie, que je ne sçay ſi je dois, & ſi je pourray deſtruire la tromperie que vous vous faites à vous meſme. Toutefois Seigneur, comme je ſuis ſincere : je vous diray ingenûment, que la cruauté dont vous vous plaignez eſt toute à moy : & que la Princeſſe n’y a point de part. Ce n’eſt pas (et vous le sçavez ſans doute) que je croye qu’elle euſt trouvé bon que je vous euſſe donné un Portrait qu’elle m’a fait l’honneur de me donner : mais apres tout, ce n’eſt point par un ſentiment qui vous ſoit deſavantageux, qu’elle vous eſt un peu ſevere. Elle aimoit la vertu & la gloire, avant que de vous connoiſtre : & vous ne devez pas trouver eſtrange ſi elle les