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Neantmoins trouvant plus ſeur de n’en faire pas un ſecret, nous ne fuſmes pas pluſtost aupres d’elle, que prevenant Tiſandre qui luy vouloit parler, elle le pria de m’obliger à luy pardonner toutes les incivilitez qu’elle m’avoit faites à Gnide, lors que j’y avois abordé comme n’eſtant qu’un Pirate. En me faiſant ce compliment elle rougit de telle ſorte, & j’en demeuray ſi interdit, que quand Tiſandre n’euſt pas eſté amoureux d’Alcionide comme il l’eſtoit, il auroit touſjours connu que je l’eſtois, par le deſordre de mon ame, qui ſe fit voir dans mes yeux : & il ſe ſeroit auſſi aperçeu qu’elle ne l’ignoroit pas. Cet te converſation ſe paſſa toute en diſcours qui n’avoient point de ſuitte : elle finiſſoit à tous les moments : & il ſe faiſoit entre nous un certain ſilence embarraſſant, que perſonne n’oſoit rompre. Alcionide deſtournoit autant ſes regards que je les cherchois : & Tiſandre nous obſervant tous deux, deſcouvroit malgré moy dans mon cœur, le ſecret que j’y voulois enfermer.

Mais enfin quand nous euſmes eſté une heure aupres d’Alcionide, Tiſandre impatient de s’eſclaircir de ſes ſoubçons, me dit avec les termes les plus civils qu’ils pût choiſir, qu’il la faloit encore laiſſer ce jour là en repos : & il m’obligea de ſortir avecques luy, & de m’en aller dans ſa Chambre. Je n’y fus pas plus toſt, que voyant qu’il n’y avoit perſonne : me promettes vous pas, me dit il, mon cher Thraſibule, de me dire une verité que je veux sçavoir de vous ? Comme je tarday un moment à luy reſpondre, & qu’il connut bien que je le voulois faire en biaiſant : ne cherchez point, me dit il encore, à me déguiſer cette verité : car peut-eſtre n’ay-je pas beſoin de voſtre ſecours pour l’aprendre. Si cela eſt,