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dont vous voulez que je chaſtie la ſacrilege main qui vous a bleſſée : & ne croyez pas ſi je reſpire encore, que ce ſoit pour vivre longtemps. Non, Madame ? je veux ſeule ment vous voir en eſtat de guerir, afin que vous me puiſſiez voir perdre la vie : pour expier du moins eu quelque façon, l’horrible faute que j’ay commiſe : puis qu’à parler raiſonnablement, je ne sçaurois eſtre innocent, apres avoir reſpandu un auſſi beau ſang que le voſtre. Alcionide eſtoit ſi ſurprise de me voir, & de m’entendre parler de cette ſorte, que quand elle n’euſt pas eſté auſſi foible qu’elle eſtoit, elle n’euſt pû faire un long diſcours : c’eſt pourquoy ne reſpondant pas à tout ce que je luy diſois ; ſi je meurs, me dit elle, je vous pardonne de bon cœur : & je prie meſme le Prince Tiſandre, s’il eſt encore vivant, de vous pardonner auſſi bien que moy. Le Prince Tiſandre Madame ! dis-je tout ſurpris, eh bons Dieux eſt il icy ? comme elle vouloir me reſpondre, les Chirurgiens l’en empeſcherent : & me dirent que je la ferois mourir, ſi je luy parlois davantage. De ſorte que me retirant avec precipitation, & la laiſſant avec ſes femmes, je pris ſeulement ſa Parente par la main, que je menay à la porte de la Chambre, pour luy demander ce qu’Alcionide m’avoit voulu dire. Mais en meſme temps quelques uns de mes Soldats m’amenerent en effet le Prince Tiſandre, qu’ils avoient pris d’abord, & mené dans mon Vaiſſeau : où ayant sçeu que c’eſtoit moy qui l’avois combatu ſans le connoiſtre, il avoit demandé à me parler. Comme il avoit apris en entrant dans ſon Navire qu’Alcionide eſtoit bleſſée, il eſtoit dans un deſespoir qui n’eſtoit gueres different du mien : Cruel Amy, me dit il en