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beaux yeux d’Alcionide. Reſistons donc, reprenois-je tout d’un coup, & ne nous rendons pas ſans combatre. Mais Dieux ! adjouſtois-je un moment apres, de quelles armes me puis-je ſervir contre elle ? que feray-je, que penſeray-je pour ne l’aimer point ? Trouveray-je quelque manquement en ſa beauté ? remarqueray-je quelque deffaut en ſon eſprit ? & pourray-je ſeulement ſoubçonner, que ſon ame ne ſoit pas auſſi genereuſe que ſon viſage eſt beau, & que ſon eſprit eſt charmant ? C’eſt pourtant, adjouſtois-je, par ce coſté là qu’il faut chercher quelque remede à mon mal : voyons donc Alcionide avec aſſiduité : informons nous en avec ſoing : sçachons meſme ſi cette belle Perſonne, qui ſans doute eſt aimée de tous ceux qui la connoiſſent, n’aime point : & n’oublions rien enfin de tout ce qui pourroit nous guerir du mal qui commence de nous tourmenter. Ce fut de cette ſorte, Seigneur, que je raiſonnay : & je creus en effet qu’il n’y avoit point d’autre voye de me delivrer, que celle de trouver quelques deffauts en cette incomparable Perſonne, ou d’apprendre du moins que ſon cœur ſeroit engagé. Le lendemain je ne manquay donc de m’informer avec adreſſe, de ce que je voulois sçavoir : or il me fut d’autant plus aiſé de le faire qu’au meſme lieu où je logeois, il y avoit un homme de qualité, eſtranger auſſi bien que moy, qu’il y avoit deſja aſſez long temps qui eſtoit à Gnide, pour en sçavoir toutes les nouvelles : & comme il ſe lie facilement amitié entre ceux qui ne ſont pas du Païs où ils ſe rencontrent, l’eſtois deſja aſſez bien avec celuy là, pour m’informer de luy de tout ce que je voulois aprendre. Je sçeus donc qu’Alcionide auoit eſté aimée de raiſonnables