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alors fort proches. Phedime me reçeut tres civilement : & l’admirable Alcionide eut auſſi pour moy une douceur ſi charmante, que j’eus tous les ſujets poſſibles de me loüer d’elle. Comme il y avoit beaucoup de Dames lors que j’arrivay, apres les premiers complimens, Phedime continua de parler à celles qu’elle entretenoit auparavant que j’entraſſe : & comme j’eus le bonheur de me trouver placé aupres d’Alcionide, j’eus le loiſir dés cette premiere viſite, de remarquer qu’elle avoit l’eſprit auſſi beau que le viſage. En effet je ne penſe pas qu’il y ait jamais eu une perſonne dont la converſation ait eſté plus charmante que la ſienne : car en fin elle agit de ſorte, qu’elle dit toujours preciſément tout ce qu’il faut dire, pour divertir ceux qu’elle entretient. Elle parle également bien de toutes choſes ; & demeure pourtant ſi admirablement dans les juſtes bornes que la couſtume & la bien-ſeance preſcrivent aux Dames pour ne paroiſtre point trop sçavantes : que l’on diroit à l’entendre parler des choſes les plus relevées, que ce n’eſt que par le ſimple ſens commun qu’elle en a quelque connoiſſance. Son eloquence eſt forte, mais naturelle : & quoy que ce ſoit une des Perſonnes du monde qui parle le plus facilement, c’eſt pourtant une des femmes de toute la Terre qui ſe taiſt avec le moins de peine, & qui eſcoute le plus paiſiblement ceux meſme qui parlent le plus mal à propos : tant il eſt vray qu’elle eſt complaiſante, ſage, & judicieuſe. Eſtant telle que je la dépeins, vous pouvez bien juger qu’elle ſouffrit que je luy parlaſſe, & qu’elle eut la bonté de me reſpondre. Apres quelques diſcours indifferents, où celles qui eſtoient aupres d’elle ſe meſlerent, elle me dit fort obligeamment, que je