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ce Prince ſe devoit bientoſt embarquer, pour aller de part de Creſus au Pont Euxin, & a la Ville d’Apollonie : de ſorte que reſolu de luy aller couper chemin, je retournay d’où je venois : & ce fut alors, Seigneur, que je vous rencontray, comme vous vouliez aller de Corinthe a Epheſe. Comme j’avois dans l’eſprit le deſſein de combattre le Prince de Phocée ; que l’on m’avoit dit qui devoit avoir ſix Vaiſſeaux ; je me reſolus d’attaquer le voſtre pour le gagner ſi je pouvois. Touteſfois, à dire vray, cette victoire me fut diſputée ſi courageuſement par vous ; que l’on peut dire que vous fuſtes vaincu par le nombre ſeulement, & que je le fus par voſtre valeur. Mais, Seigneur, oſeray-je vous dire que ce vaillant homme contre qui vous combatiſtes dans la Mer, apres que vous y fuſtes tombez l’un & l’autre, & que j’envoyay querir auſſi bien que vous dans un Eſquif, eſtoit ce meſme Tiſandre qui eſt preſentement dans ma Tente, qui ne voulut jamais que je vous le fiſſe connoiſtre, tant que vous fuſtes dans mon Vaiſſeau. Quoy genereux Thraſibule, interrompit Cyrus, celuy que je combatis, & qui m’auroit ſans doute vaincu ſans vous, eſt icy ? Ha ſi cela eſt, pourſuivit il, redoublez vos ſoings pour ſa conſervation à ma priere : eſtant certain que je ne croy pas qu’il y ait un plus vaillant homme au monde que luy. Mais de grace, achevez de me raconter une vie, où je ne prens gueres moins d’intereſt qu’en la mienne. Thraſibule apres avoir admiré la haute generoſité de Cyrus, de s’intereſſer comme il faitoit à la conſervation d’un homme qui luy avoit ſi opiniaſtrément diſputé la victoire ; reprit ſon diſcours de cette ſorte. Je