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ou à mes exercices ; ou à la converſation de Thales ; ou à me divertir aux aures choſes où un Prince de mon âge pouvoit raiſonnablement prendre plaiſir. Je vivois ſans doute civilement avec Melaſie, & avec Alexideſme : mais j’avouë pourtant que j’avois naturellement une ſi forte averſion pour l’un & pour l’autre, que j’avois bien de la peine a la cacher. Cependant le Mariage de Leonce ne s’achevoit point : car comme le Prince de Phocée vouloit voir quelque apparence à ce qu’il ſouhaitoit, avant que d’y conſentir : ſa Sœur, nommée Philodice, differoit la choſe avec adreſſe. Elle ne pouvoit pas meſme s’achever ſi toſt : parce que ceux de Prienne ayant eſté forcez de declarer la guerre à Polycrate Prince de Samos, qui vouloit eſtre Roy de la Mer, & qui combatoit tout ce qu’il y rencontroit : mon Pere creut que par Politique il faloit s’opoſer à cette nouvelle Puiſſance, puis qu’il y en avoit un pretexte. Ainſi il fit une Armée navale, dont il fut contraint de me donner la conduitte, ne pouvant avec bien-ſeance ne le faire pas : puis qu’il ne vouloit point aller en Perſonne à cette guerre. Ce n’eſt pas que je ne fuſſe fort jeune pour cét employ, car je n’avois encore que quinze ans : Mais comme mon Lieutenant General eſtoit un homme experimenté, je n’en avois que l’honneur : encore ne sçay-je ſi je l’euſſe eu ſeul, n’euſt eſté qu’Alexideſme tomba malade, & qu’il ne pût venir à ce voyage. Le Prince Philoxipe qui eſtoit alors de meſme âge que moy, & le Prince Tiſandre, pouſſez d’un meſme deſir de gloire, vinrent ſe jetter dans noſtre Parti : & firent des choſes prodigieuſes en cette guerre, qui ne fut pourtant pas trop heureuſe pour nous : car le bonheur de Polycrate eſt ſi