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notable difference, de ſon corps à ſon eſprit. Cependant parce que Melaſie pouvoit alors toutes choſes ſur le cœur du Prince ſon Mary ; il ne voyoit point les deffauts de ſon fils ; ou du moins il agiſſoit comme s’il ne les euſt point connus : le flattant ; le careſſant ; & ne faiſant preſque aucune diſtinction en aparence, de moy à Alexideſme : quoy que ſi je l’oſe dire, je n’euſſe pas lés vices qui le noirciſſoient, & qui le noirciſſent encore. La Mere de Leonce, eſtoit Sœur du Prince de Phocée, de qui mon Pere, comme je vous l’ay dit, avoit tué le Fils à la derniere Bataille qu’il avoit donnée contre le Roy de Lydie : de ſorte que dans le fonds de ſon ame, elle haiſſoit toute noſtre Maiſon. Neantmoins comme le Prince de Phocée eſtoit ambitieux, il luy manda que ſi elle croyoit pouvoir trouver les voyes de faire regner Alexideſme à mon prejudice, elle conſentist à ce Mariage : mais qu’à moins que de cela, il ſeroit ſon ennemy, ſi elle y ſongeoit ſeulement. Cette Femme donc qui eſtoit ambitieuſe, auſſi bien que ſon Frere, & qui avoit grande amitié avec Melaſie, luy parla avec tant d’adreſſe ; que comme deux perſonnes poſſedées d’une meſme paſſion s’entendent facilement, & devinent preſque ſans peine, leurs penſées les plus ſecrettes : ces deux Femmes que l’ambition ſeule faiſoit agir, connurent bien toſt qu’elles ſouhaitoient la meſme choſe. De ſorte que ne ſe cachant plus leurs ſentimens, elles conſulterent entre elles : & reſolurent enſemble, de faire regner Alexideſme, quand meſme il faudroit faire pluſieurs crimes pour cela. Pendant que ces choſes ſe paſſoient ainſi, le Prince mon Pere faiſoit achever cette belle & forte Citadelle qui eſt à Milet : & je m’occupois continuellement,