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afin d’aprendre ce qu’il y avoit ſi longtemps qu’il avoit envie de sçavoir. Auſſi toſt qu’il y fut, ayant teſmoigné vouloir eſtre ſeul avec Thraſibule, tout le monde les laiſſa en liberté de s’entretenir : de ſorte qu’ils ne furent pas pluſtost ſeuls, que Cyrus le regardant, luy dit fort obligeamment. Et bien mon ancien vainqueur, vous laiſſerez vous vaincre aujourd’huy ? & m’aprendrez vous toutes les circonſtances d’une vie, de qui tout ce que l’en connois eſt glorieux ? Vous ne parlerez pas ainſi du reſte quand vous le sçaurez, repliqua Thraſibule en ſoupirant : car Seigneur, vous n’y trouverez que deux choſes : beaucoup de foibleſſe, & beaucoup d’infortune. Neantmoins puis que vous le voulez ainſi, & qu’en effet il m’importe preſentement en l’eſtat où ſont mes affaires, que vous les sçachiez telles qu’elles ſont : je vous obeïray exactement. Mais Seigneur, pourrez vous bien ſouffrir que je vous entretienne de tant de petites choſes, qui vous doivent eſtre indifferentes, & qui paroiſſent en effet tres peu conſiderables, à ceux qui ne connoiſſent pas l’amour ? Il n’en eſt point de petites, reprit Cyrus, quand elles touchent nos Amis : & puis mon cher Thraſibule, dit il en ſoupirant auſſi bien que luy, je ne ſuis pas ignorant du mal dont je m’imagine que vous vous plaignez. Parlez donc je vous en conjure : & ne craignez pas de me dérober un temps que je pourrois employer à quelque autre choſe : car puis que nous avons treſve avec le Roy d’Armenie, nous aurons tout le reſte du jour, tout le ſoir, & meſme ſi vous le voulez toute la nuit, à nous entretenir. II y a deſja longtemps, pourſuivit il, que les nuits ne ſont plus pour moy, ce qu’elles ſont pour tous les autres hommes : & que je n’