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quelle eſt ſon Armée : de ſorte que par raiſon & par generoſité, ne me refuſez pas ce que je vous demande. Phraarte luy fit encore cent proteſtations de ſincerité & de franchiſe : & luy dit que ſi ſes Chirurgiens jugeoient qu’on le peuſt tranſporter dés le lendemain, il iroit trouver le Roy ſon Pere ; ſans vouloir pourtant joüir de la grace qu’il luy vouloit faire de le delivrer abſolument. Mais, luy dit il, pour vous obliger à vous fier en mes paroles, je veux vous confier un ſecret qui m’importe de la vie : c’eſt, Seigneur, que vous tenez en vos mains une Princeſſe ; qui poſſede dans le cœur de Phraarte, la meſme place que l’illuſtre Mandane tient dans celuy du genereux Cyrus. Ainſi tenant en voſtre puiſſance un gage qui m’eſt ſi cher & ſi precieux, vous devez attendre de moy une fidelité que peu d’ennemis ont pour ceux qui leur font la guerre. Comme ils eſtoient là, on vint advertir Cyrus que Ciaxare & le Roy de Phrigie, qui logeoit dans Artaxate auſſi bien que luy, arrivoient au Camp, il quitta donc Phraarte pour les aller recevoir : juſtement comme le Roy d’Aſſirie entroit ; pouſſé de la meſme curioſité que luy, de sçavoir des nouvelles de Mandane. Mais Cyrus luy ayant dit en peu de mots & en rougiſſant, la reſponse de Phraarte ; ils furent enſemble au devant de Ciaxare, qui les loüa tous deux extrémement : Mais qui flata pourtant ſi obligeamment Cyrus, qu’il eſtoit aiſé de voir la difference qu’il faiſoit de l’un à l’autre. Cyrus luy rendit conte de la converſation qu’il venoit d’avoir avec Phraarte : & le ſupplia de trouver bon qu’il en uſast comme il luy avoit promis : ce qu’il obtint aiſément, s’imaginant en effet qu’il ſeroit plus aiſé de sçavoir la verité