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la vie d’un Prince qui m’a apris à vaincre en me ſurmontant : car il eſt vray que je dois à l’amour que j’eus pour voſtre valeur, une bonne partie de la mienne. Mais illuſtre Thraſibule, j’ay touſjours eſté ſi occupé de mes propres malheurs, depuis que je vous retrouvay à Sinope, que je n’ay pas eu loiſir de vous demander le recit des voſtres. Cependant preparez vous à me les apprendre bien toſt : car je ne les puis pas ignorer davantage, apres ce que vous me venez de dire. C’eſt pourquoy allez vous repoſer, & prendre ſoing de voſtre bleſſé, que je ne sçay encore ſi je dois aimer ou haïr pour l’amour de vous : & ſi la converſation que je dois avoir avec le Prince Phraarte touchant la Princeſſe Mandane ne me deſespere pas trop, & ne m’oſte point la raiſon en m’oſtant l’eſperance : je taſcheray de meſnager une heure, où je puiſſe vous entretenir en particulier. Thraſibule remercia Cyrus de ſa bonté, & ſe retira : laiſſant ce Prince dans la liberté de ſe coucher deux ou trois heures ſur ſon lict, pour ſe remettre de a fatigue qu’il venoit d’avoir. Son dormir ne fut pas fort tranquile : car l’impatience de pouvoir parler à Phraarte, le tourmentoit de telle ſorte, qu’il ne pouvoit trouver aucun repos. Il envoya vingt fois sçavoir s’il eſtoit eſveillé, & comment il ſe trouvoit de ſes bleſſures : mais on luy raportoit touſjours qu’il dormoit encore. Enfin s’ennuyant extrémement, & voulant le voir auparavant que le Roy d’Aſſirie y peuſt eſtre ; il fut luy meſme apprendre l’eſtat où il eſtoit : & il arriva juſtement comme il venoit de s’éveiller : & entra dans ſa Chambre, comme les Medecins & les Chirurgiens y entroient. Ils le trouverent aſſez bien : de ſorte qu’apres l’avoir penſé, ſans luy deffendre de parler, comme ils avoient