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à la Mer : & Spitridate ayant fait rompre un Pont la meſme nuit, qui faiſoit la communication des autres Quartiers avec celuy de Democlide, nous fuſmes preſques en ſeureté, dés que nous fuſmes dans le Bateau : ce Capitaine n’expoſant pas meſme ſes Troupes à la colere d’Arſamone : car il conduiſit la choſe en façon, qu’elles croyoient agir pour ſon ſervice & par ſes ordres : joint que ce n’eſtoit pas à ces Soldats à examiner les commandemens de leur Capitaine, eſtans tenus de luy obeïr ; & ainſi ils ne couroient aucune riſque. Enfin, Seigneur, nous trouvaſmes le Vaiſſeau qui nous attendoit : & nous nous embarquaſmes, ſans sçavoir encore où nous voulions aller : n’ayant ſongé dans le preſſant danger où nous eſtions, qu’à ne tomber pas ſous la puiſſance d’Arſamone. Comme nous fuſmes en pleine mer, Spitridate venant dans la Chambre de Poupe où eſtoit la Princeſſe, Madame, luy dit il, vous eſtes libre : & il n’y a perſonne icy, qui ne ſoit en eſtat & en volonté de vous obeïr : où vous plaiſt il donc aller ? Cette demande fit venir les larmes aux yeux de la Princeſſe : car n’ayant pas un lieu en toute la Terre, où elle euſt quelque pouvoir ; elle ne pût retenir ce premier ſentiment de douleur. Touteſfois apres avoir un peu raffermy ſon eſprit, elle luy dit qu’ayant apris à Cabira, que le Roy ſon Frere en quittant Heraclée, avoit eu deſſein d’aller en Capadoce, offrir ſa perſonne à Ciaxare, pour delivrer la Princeſſe ſa Fille, & vous demander ſecours : elle trouvoit qu’elle ne pouvoit avec bienſeance, chercher un autre Azile que celuy là. Mais Spitridate luy dit, que le jour auparavant, il avoit apris d’un Soldat qui venoit de cette Armée, que la Princeſſe