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les pouvoit pas mener avec elle : & que demeurât Maiſtres de Cabira, ils eſtoient touſjours en eſtat de faire une Capitulation honorable : il fut reſolu qu’elle ne ſe confieroit qu’à ceux qui ſeroient neceſſaires pour executer la choſe : c’eſt à dire pour faire entrer Spitridate, & pour nous laiſſer ſortir.

Mais Seigneur, il a deſja ſi longtemps que j’abuſe de voſtre bonté, par la longueur de mon recit, qu’il faut vous dire en peu de mots, que j’eus ordre de parler à deux de ces Capitaines : que je trouvay ſi diſposez à ſervir la Princeſſe aveuglément, en toutes choſes, que tout ce que nous avions à faire s’executa ſans peine. Juſtement à my-nuit Democlide, avec un de ceux que je dis, fut faire entrer Spitridate, qui n’avoit pas manqué de ſe dérober de tout le monde dans ſon Armée, & de ſe trouver à la Porte de la Ville, apres avoir laiſſé une Lettre pour Arſamone, & une autre pour la Princeſſe Ariſtée. Dés que Democlide me l’eut amené, je le conduiſis dans la Chambre de la Princeſſe : où il ne fut pas ſi toſt, que ſe jettant à genoux, Madame, luy dit il, ſerez vous bien aſſez genereuſe, pour ſouffrir à vos pieds le Fils de voſtre Ennemy, & pour vouloir recevoir la liberté de la main d’un Prince, de qui le Pere vous veut faire Eſclave ? La liberté, luy dit elle en le relevant, eſt un ſi grand bien, qu’on le doit prendre de ſes plus mortels ennemis : mais Spitridate, adjouſta t’elle, il n’eſt pas juſte de perdre la ſienne pour celle des autres : & ce ſera bien aſſez, que vous enduriez que j’échape à la victoire du Roy voſtre Pere, ſans que vous partagiez encore ma mauvaiſe fortune. C’eſt pourquoy ne vous chargez point de ma fuitte : faites ſemblant de vous en affliger : retournez à voſtre Camp : &