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du Roy ſon Pere, qu’il penſa en expirer de douleur. Il voulut pourtant la sçavoir preciſément telle qu’elle eſtoit : & quoy que Democlide euſt bien voulu l’adoucir, il n’oſa pourtant le faire : parce que le Roy luy avoit parlé devant tant de monde, que Spitridate ne pouvant manquer de la sçavoir par ailleurs, il euſt eu ſujet de ſe pleindre, s’il ne luy euſt pas dit la verité : puis que c’eſtoit preciſément ſur cette reſponse, qu’il devoit former toutes ſes reſolutions. Quoy, dit il apres avoir tout entendu, le Roy mon Pere pretend que la Princeſſe Araminte ſoit ſon Eſclave, & qu’une perſonne illuſtre qui merite cent Couronnes porte des fers ! ha non non, Spitridate n’y conſentira pas : du moins n’oubliera t’il rien pour taſcher de delivrer cette incomparable & malheureuſe Princeſſe. N’admirez vous pas Democlide, adjouſtoit il, l’eſtrange aveuglement des hommes ? le Roy mon Pere a paſſé toute ſa vie à ſe pleindre d’un Uſurpateur : & il le devient luy meſme, ſeulement pour me rendre malheureux. Il ne veut avoir pluſieurs Couronnes, que pour me mettre en eſtat de n’en point avoir : enfin il n’eſt Roy, qu’afin que je ne le ſois pas : luy qui pourroit s’il vouloit, acquerir une gloire immortelle, & me rendre le plus heureux d’entre les hommes, au lieu qu’il me va rendre le plus infortuné. Car Democlide, avoir conquis deux Royaumes ; ne garder que celuy qui luy appartient ; rendre l’autre genereuſement ; & donner la Princeſſe Araminte ; ſeroit une choſe dont tous les Siecles parleroient avec admiration. Cependant il ne le veut pas : & il me force enfin d’abandonner ſes intereſts, bien qu’il ſoit mon Pere & mon Roy ; de luy deſobeïr ouvertement ; & de paſſer le reſte