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gueres de part en ſon ame, non plus qu’en celle de ce Prince : qui depuis le départ de Democlide, demeura dans une inquietude inconcevable : & dans une crainte continuelle, de n’obtenir rien d’Arſamone. En effet ſon aprehenſion n’eſtoit pas ſans fondement : car quoy que la Reine & la Princeſſe Ariſtée puſſent dire au nouveau Roy de Bithinie que ſe portoit beaucoup mieux, elles ne purent le fléchir. Ces excellentes Perſonnes luy firent parler en ſuitte, par tous ceux en qui elles sçavoient qu’il avoit quelque creance, mais ce fut encore inutilement. Democlide employa toute ſon eloquence à luy faire valoir la Politique dont Spitridate l’avoit inſtruit, ſans rien obtenir non plus que les autres : la Princeſſe Ariſtée ſe ſervit meſme de ſes larmes ſans aucun effet : & Arſamone dit touſjours, à ceux qui luy propoſerent de rendre genereuſement le Royaume de Pont à celuy à qui il apartenoit : quand moy & les miens aurons poſſedé cette Couronne auſſi long temps que le Pere & l’Ayeul du Roy de Pont ont poſſedé celle de Bithinie : il y aura peut-eſtre quelque juſtice à ceux qui vivront alors, d’en demander la reſtitution : bien que je l’aye aquiſe par des voyes plus legitimes & plus honnorables, que l’Ayeul de ce Prince n’avoit uſurpé la noſtre. Mais preſentement il eſt juſte, que ceux qui ont fait ſi long temps porter des Chaines aux autres, en portent auſſi à leur tour : afin d’aprendre par leur propre experience quel malheur eſt la ſervitude. C’eſt pourquoy je veux que Spitridate m’aide à prendre la Ville où eſt la Princeſſe Araminte : autrement je luy feray connoiſtre, que celuy qui n’a pas le cœur d’un Roy, ne ſera jamais mon Succeſſeur : & le traitant en Eſclave, je luy donneray meſme Priſon