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à vos Capitaines, ce que je diray aux miens : je veux dire que vous ne pouvez reſpondre aux propoſitions que je vous faits, ſans avoir envoyé vers le Roy voſtre Pere. Vous avez l’eſprit ſi libre, Madame, interrompit il, qu’il eſt aiſé de voir que voſtre cœur n’eſt guere engagé : Vous avez l’ame ſi Grande, reſpondit elle, que ce reproche n’eſt pas digne de vous. Mais Spitridate je vous le pardonne : & je veux bien meſme que vous ne croiyez pas de moy, ce que vous faites ſemblant d’en croire. En diſant cela, elle luy fit la reverence, & le força de ſe retirer : apres avoir arreſté enſemble, que la treſve dureroit, juſques à la reſponse d’Arſamone. Pour moy je ne vy jamais rien de plus touchant, que cette ſeparation : Spitridate devint paſle, comme s’il euſt deû mourir : & la Princeſſe malgré ſon grand cœur, parut ſi melancolique en cét inſtant, qu’elle euſt pû conſoler ce Prince, s’il euſt eſté capable de bien remarquer les mouvemens de ſon viſage. Il la ſuivit des yeux le plus loing qu’il pût : mais il eſtoit ſi interdit, qu’il ne sçavoit ſans doute ce qu’il voyoit.

comme la Princeſſe eut fait trois ou quatre pas, je m’approchay de la Barriere ſans qu’il y priſt garde : juſques à ce que luy parlant il me reconnut. Seigneur luy dis-je, la Fortune offre une grande matiere d’exercice à voſtre generoſité : & cette meſme Fortne, reſpondit il, en donne une bien ample à la bon té d’Heſionide, qui me peut utilement proteger aupres de la divine Araminte. Je le feray Seigneur, luy dis-je en me retirant, mais faites auſſi tout ce que vous devez. Cela fut dit ſi bas & ſi viſte, qu’à peine quelqu’une des filles de la Princeſſe, s’en pût elle apercevoir : & un moment apres me remettant à ſuivre les autres, nous retournaſmes