Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/497

Cette page n’a pas encore été corrigée

de ne haïr point Spitridate, s’il ne peut pas faire tout ce que vous deſirerez de luy. Les Dieux sçavent, ſi j’eſtois Maiſtre abſolu des deux Royaumes dont il s’agit, ſi vous n’en ſeriez pas l’arbitre : & ſi vous n’en diſposeriez pas abſolument. Je croy meſme, adjouſta t’il, que ſi vous pouviez vous paſſer de Couronne, je conſentirois ſans murmurer, que celle de Bithinie me fuſt oſtée une ſeconde fois, pluſtost que de vous deſplaire ; mais Madame, les choſes n’en ſont pas là : le Roy mon Pere les poſſede ; & tout ce que je puis eſt de luy faire parler par la Reine ma Mere, & par la Princeſſe ma Sœur : car pour moy ſi je quittois l’Armée, je craindrois qu’il ne me permiſt pas d’y revenir : & qu’ainſi je ne puſſe plus eſtre en eſtat de m’attacher inſeparablement à voſtre fortune, comme j’en ay le deſſein : Joint auſſi, que je n’y ay pas grand credit. Mais, Madame, oſerois-je vous dire, que ſi le malheureux Spitridate eſtoit dans voſtre cœur comme il y pourroit eſtre, vous n’agiriez pas comme vous faites ? vous laiſſeriez aux Dieux, le ſoing de la conduite des choſes : vous attendriez du temps, le reſtablissement du Roy voſtre Frere : & vous ne refuſeriez pas à un Prince qui a ſouffert pour vous la priſon, l’exil, & tous les ſuplices imaginables ; la conſolation de vous voir en un lieu où il pourroit vous ſervir : & où il pourroit peut eſtre un jour vous faire paſſer de la Priſon ſur le Throſne : & vous mettre en eſtat de redonner une Couronne au Roy de Pont. Ce n’eſt pas, Madame, que je ne ſois reſolu de vous obeïr exactement : mais c’eſt que comme je prevoy bien que je ne gagneray rien aupres du Roy mon Pere : je prevoy bien auſſi à quelle eſtrange extremité je me trouveray reduit.