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de voir Spitridate : mais comme j’attendois beaucoup de cette entre-veuë, pourveu qu’elle ſe fiſt en lieu où ils peuſſent parler aveque liberté ; je m’aviſay de dire à la Princeſſe, qu’il ſeroit beaucoup mieux qu’elle viſt Spitridate au milieu d’un Pont qui traverſe une Riviere, qui paſſe au pied des Murailles de la Ville. Et en effet, apres que la Princeſſe eut tenu Conſeil, & que tous ces Capitaines, qui ne prevoyoient aucune fin heureuſe à ce Siege, que par une Capitulation avantageuſe, & qui ne voyoient nulle eſperance de ſecours, luy eurent conſeillé de voir Spitridate : elle fit venir celuy que ce Prince luy avoit envoyé, pour luy dire qu’elle accordoit à ſon Maiſtre, ce qu’il luy avoit demandé : commandant à un de ſes Capitaines, de l’inſtruire du lieu où elle ſouhaitoit que ſe fiſt cette entre-veuë le lendemain au matin : & de l’ordre qui y devoit eſtre gardé : pendant quoy il y auroit treſve entre l’Armée de Spitridate, & les gens de guerre de la Ville. Apres que cét Envoyé eut veu ce Pont, & qu’il fut retourné vers ſon Maiſtre, qui approuva ce changement de lieu, & qui le fit sçavoir à la Princeſſe : le reſte du jour & la nuit ſuivante furent employez à preparer l’endroit où ſe devoit faire cette entre-veuë, qui fut une des plus belles choſes du monde.

Comme la Riviere eſt large, le Pont que l’on y a baſti eſt fort grand & fort ſuperbe : ſi bien qu’il contribuoit encore beaucoup à la magnificence de cette action. Car juſtement ſur l’Arcade du milieu, on dreſſa une Barriere qui le traverſoit en ſa largeur, que l’on couvrit de riches Tapis de Sidon : & droit au deſſus, on tendit un grand & riche Pavillon, retrouſſé des deux coſtez avec des Cordons à houpes d’or, pour