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alors pour leur Princeſſe : elle fit venir ce Heraut en ſa preſence : Et l’eſprit irrité comme elle l’avoit, dites à voſtre Maiſtre, luy dit elle, que les Princeſſes de Pont n’ont point accouſtumé de recevoir des commandemens des Princes de Bithinie, mais pluſtost de leur en faire depuis long temps : & que je n’uſſe jamais creû, que la Sœur du Prince Sinneſis euſt deû eſtre traitée de cette ſorte, par le Prince Spitridate. Que neantmoins puis qu’il agit ſi injuſtement, il peut s’aſſurer qu’il trouvera peut-eſtre plus de difficulté à vaincre la Princeſſe Araminte, qu’il n’en a trouvé à ſurmonter Artane. Apres cette reſponce, le Heraut ſe retira : & la Princeſſe demeurant en liberté de ſe pleindre aveques moy ; & bien, Heſionide, me dit elle, que dittes vous de Spitridate ? Je dis qu’il vient vous delivrer, Madame, luy reſpondis-je, car je n’ay garde de le ſoubçonner de ne vouloir vous avoir en ſa puiſſance, que pour vous remettre en celle d’Arſamone. La ſervitude n’eſt pourtant gueres le chemin de la liberté, repliqua t’elle, & peu d’Amants ont delivré les Perſonnes qu’ils ont aimées, par une voye ſi extrordinaire. Mais, Madame, repris-je, que voudriez vous que fiſt Spitridate, en l’eſtat où ſont les choſes ? je n’en sçay rien, me reſpondit elle en ſouspirant, mais du moins sçay-je bien que je ne voudrois par que ce fuſt de ſa main que je fuſſe miſe en la puiſſance du deſtructeur de ma Maiſon. Touteſfois Heſionide, adjouſta t’elle, j’ay tort de me pleindre de la Fortune en cette rencontre : puis qu’au contraire je dois luy rendre grace, de ce que du moins elle fait ce qu’elle peut, pour me donner ſujet d’oſter de mon cœur, l’injuſte tendreſſe que j’y conſervois pour Spitridate, quoy que Fils de l’ennemy declaré