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à l’heure meſme, il le reçeut malgré ſon mal, avec quelques teſmoignages de tendreſſe. Mais apres ce premier mouvement, dont il ne fut pas le Maiſtre : reprenant un viſage plus ſerieux & plus ſevere ; Spitridate, luy dit il, je ſuis bien aiſe de vous pouvoir dire auparavant qu’il m’empire davantage, que ſi les Dieux diſposoient de moy, je n’entens pas que vous faciez jamais nul traitté ny nulle alliance, avec ceux de qui nous avons eſte Eſclaves : & que je diſpense tous mes Sujets de vous reconnoiſtre pour leur Prince ſi vous le faites. Seigneur, luy dit Spitridate en biaiſant, les Dieux vous laiſſeront ſans doute jouir ſi longtemps de vos conqueſtes, que j’auray loiſir d’aprendre plus preciſément vos intentions. C’eſt pourquoy il ſuffit que vous me faciez la grace de me dire, ce qu’il vous plaiſt que je face preſentement comme voſtre Sujet que je ſuis, ſans me parler de ce que je devrois faire comme Roy que je ne ſuis pas. Je veux, luy reſpondit il, ſi mon mal dure, que vous commandiez mon Armée : que vous alliez contre Artane : & que vous remettiez Araminte en ma puiſſance. Spitridate chercha alors quelques paroles à double ſens, pour ſatisfaire la delicateſſe de ſon amour, & par leſquelles Arſamone qui eſtoit malade, & qui n’avoit pas la liberté d’y prendre garde de ſi prés, peuſt croire qu’il vouloit luy obeïr punctuellement : & en effet il les imagina ſi juſtes, que le Roy eſtant ſatisfait de ſa reſponse, le fit approcher & l’embraſſa : en ſuitte de quoy s’eſtant retiré à une magnifique Tente qu’on luy avoit preparée, il y fut viſité du Prince Intapherne, & de tous les Officiers de l’Armée : car nous avons sçeu depuis toutes ces choſes,