Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/478

Cette page n’a pas encore été corrigée

tel qu’il l’avoit lors qu’il eſchapa de ſa Priſon, il faut luy redonner ſes chaines : Mais s’il revient avec celuy d’un Roy, il faut le traitter en Prince qui le ſera un jour. C’eſt pourquoy Madame, dit il à la Reine, faites luy s’il vous plaiſt sçavoir, qu’il eſt luy meſme l’arbitre de ſon deſtin : que s’il veut achever cette guerre que j’ay ſi heureuſement commencée, & mettre la Princeſſe Araminte entre mes mains comme ma Priſonniere, j’y conſents : & je luy donneray le commandement de mon Armée. Mais s’il penſe n’eſtre revenu que pour continuer d’aimer une Perſonne qu’il ne doit regarder que comme la Fille & la Sœur de nos Tirans : je luy feray bien voir que je ſuis Maiſtre des deux Couronnes que j’ay conquiſes, puis que j’en diſposeray en faveur de qui il me plaira. Il a eſté aſſez longtemps abſent, adjouſta t’il, pour eſtre guery d’une ſemblable paſſion : c’eſt pourquoy, dit il regardant la Princeſſe Ariſtée, je vous donne la commiſſion deſcouvrir dans le fonds de ſon cœur, ſes veritables ſentimens. Car je m’aperçoy bien que vous en sçavez plus que vous ne m’en dittes : & que peut-eſtre Spitridate eſt il deſja à Heraclée. Arbiane voulut alors le nier : mais ce fut d’une façon qui le fit davantage croire au Roy : de ſorte que reprenant la parole, non non, luy dit il, ne craignez rien pour Spitridate s’il eſt ſage : c’eſt pourquoy s’il eſt arrivé comme je le croy, retournez à Heraclée, dit il à la Princeſſe ſa fille, car s’il eſt tel que je dis, je conſens que vous me l’ameniez : & s’il ne l’eſt pas, je permets qu’il s’en retourne en exil. Que ſi pour ma bonne fortune & pour la ſienne il l’eſt devenu, faites le venir icy en diligence : parce que me trouvant mal comme je fais, je ſeray bien aiſe