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vous raconter ſes chagrins, pendant un ſi long chemin, où on le gardoit fort ſoigneusement : mais je vous diray ſeulement que durant ce voyage le Mage mourut : & qu’eſtant enfin arrivez en Perſe, cét Ambaſſadeur apprenant que tout le monde croyoit Cyrus mort, & que des Marchands l’avoient veu noyer, commença de croire Spitridate : ne trouvant pas de raiſon qu’il ne vouluſt point eſtre connu pour fils d’un Grand Roy, s’il eſtoit vray qu’il le fuſt. Si bien que jugeant que puis que ce Mage eſtoit mort, ce ſeroit peut-eſtre paroiſtre à Perſepolis d’une aſſez bizarre maniere : il fut quelque temps à deliberer ſur ce qu’il feroit : pendant quoy eſtant tombé malade comme le Mage, il mourut auſſi bien que luy : De ſorte que Spitridate ſe voyant un peu plus libre, ſe déroba des gens de cét Ambaſſadeur, durant les premiers jours de leur affliction, & ne continua point ſon voyage. Il penſa touteſfois eſtre arreſté par diverſes Perſonnes qui le prenoient pour vous ; Mais comme il ſe reſolut de ſe r’aprocher un peu des lieux où nous eſtions, pour entendre du moins quelqueſfois le nom du Royaume où demeuroit ſa Princeſſe : il paſſa de Perſe en Medie, où il fut ſuivy auſſi en diverſes rencontres, ſans qu’il en compriſt la raiſon. En ſuitte eſtant arrivé ſur les frontieres de Galatie, il y aprit le ſouslevement de la Bithinie, & la guerre que le Roy ſon Pere avoit declarée au Roy de Pont : & il dit depuis à la Princeſſe Ariſtée, que cette nouvelle l’avoit ſi cruellement affligé, qu’il en eſtoit tombé malade : mais avec un tel excés & une telle violence, que jamais perſonne ne l’avoit tant eſté : parce qu’aprenant tous les jours les victoires du Roy ſon Pere & apres encore la mort du Prince Euriclide, il jugeoit bi ? que c’eſtoit un mauvais chemin pour remettre la Princeſſe Araminte dans les premiers ſentimens qu’elle avoit eus pour luy. Ce n’eſt pas qu’il ſouhaitast que le Roy ſon Pere fuſt vaincu : mais c’eſt qu’il ne pouvoit ny sçavoit que ſouhaitter.

Enfin (dit il apres avoir bien exageré ſes deplaiſirs a la Princeſſe Ariſtée) me voicy ma chere Sœur, aſſez bien guery malgré moy, qui viens vous demander conſeil de ce que je dois faire : Car quand meſme ma Princeſſe ſeroit infidelle, je la voudrois touſjours delivrer d’entre les mains d’Artane où j’ay sçeu qu’elle eſt. Il ne vous ſera pas aiſé, luy dit elle, ſi ce n’eſt avec les Troupes du Roy : mais pour pouvoir l’obliger à vous revoir, il ne faut pas que vous teſmoigniez aimer encore la Princeſſe Araminte. Ha ma Sœur, dit il, je ne sçay point feindre ! & je ne sçaurois devoir ma bonne fortune à un menſonge. Mais, helas diſoit il, que penſe & que doit penſer de mon ſilence cette Princeſſe, pendant de ſi grands changemens ? Elle croit peut-eſtre que j’attens en repos que la guerre ſoit finie : afin de venir joüir apres paiſiblement des fruits de la victoire. Mais divine Princeſſe, adjouſtoit il, que vous eſtes injuſte ſi vous le croyez ainſi ! Tant y a, Seigneur qu’apres pluſieurs ſemblables pleintes, Spitridate ſe retira, au lieu où il avoit reſolu de ſe loger : Ariſtée luy aprit pourtant encore auparavant qu’il la quitaſt, que le Prince Intapherne fils de Gadate, qui eſt aujourd’huy dans l’Armée de Ciaxare, avoit rendu de grands ſervices au Roy ſon Pere : & que la Princeſſe Iſtrine ſa Sœur eſtoit venue aupres de la Reine Arbiane, auſſi toſt apres la mort de la Reine Nitocris, qui l’avoit ainſi voulu. En ſuitte de ce diſcours, Spitridate s’en alla, comme je l’ay deſja dit : le lendemain au matin la Reine & la Princeſſe luy manderent qu’il demeuraſt caché, juſques à ce qu’il euſt de leurs nouvelles : & qu’elles s’en alloient au Camp, où Arſamone eſtoit demeuré malade. Comme l’Armée n’eſtoit qu’à une journée d’Heraclée, elles y arriverent le ſoir meſme : mais comme Arſamone eſtoit aſſez mal, ce ne fut que le lendemain au matin qu’il fut mieux, qu’elles luy firent sçavoir qu’elles avoient eu des nouvelles de Spitridate : car pour ne l’expoſer pas, elles ne dirent point qu’il fuſt arrivé. La ſurprise d’Arſamone fut grande au diſcours d’Arbiane : & la Princeſſe Ariſtée remarqua de l’eſtonnement & de la colere ſur ſon viſage. Il luy ſembla pourtant, que malgré des ſentimens ſi tumultueux, elle y vit auſſi quelques legeres marques de joye : en effet comme Arſamone n’avoit plus d’autre Fils, quand il n’auroit eu autre ſentiment que celuy de la haine qu’il avoit pour le Roy de Pont, il euſt touſjours deû eſtre bien aiſe de ſe voir un Succeſſeur. C’eſt pourquoy apres avoir eſté quelque temps ſans parler, ſi Spitridate, dit il à la Reine ſa Femme, revient avec le cœur d’un Eſclave,