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pas. Nous ne sçavions donc ſi l’on nous menoit à Arſamone ou à Artane : & dans le choix des deux, la Princeſſe ne sçavoit que ſouhaitter. Car ſi c’eſtoit à Arſamone, elle y eſperoit plus de douceur, à cauſe de la Princeſſe Arbiane, & de la Princeſſe Ariſtée : mais elle s’imaginoit auſſi que le Roy ſon Frere, qui n’ignoroit pas l’affection qu’elle avoit pour Spitridate, pourroit peut-eſtre la ſoubçonner de s’eſtre fait prendre volontairement aux Troupes d’Arſamone, quoy qu’il ne puſt ignorer, que ce Prince ne haïſſoit ſon fils que pour l’amour d’elle. Touteſfois le Nom d’Artane luy donnoit tant d’averſion, qu’au hazard d’eſtre maltraitée d’Arſamone, & ſoubçonnée meſme du Roy : elle euſt mieux aimé eſtre menée en Bithinie, que d’aller à Cabira ſous la puiſſance d’un tel homme. Cependant la choſe ne fat pas à ſon choix : & vers le ſoir nous trouvaſmes Artane, qui tout amoureux qu’il eſtoit, n’avoit oſé ſe trouver à cette entrepriſe : & en avoit donné la conduitte à un Soldat déterminé, qui avoit autreſfois eſté un de ceux qui avoient conjuré contre vous. De vous dire ce que devint la Princeſſe, quand elle vit Artane à la teſte de deux cens chevaux, qui la venoit recevoir, il ne ſeroit pas aiſé : car encore qu’il fuſt connu pour un laſche, neantmoins comme il ne faut preſques qu’eſtre mutin & rebelle, pour pouvoir former un party, le ſien n’eſtoit pas petit : & nous fuſmes bien affligées, de voir qu’il y avoit tant de braves Gens, qui obeïſſoient à un tel Capitaine. Il falut pourtant ceder à la Fortune, & ſe laiſſer conduire dans Cabira où il eſtoit le Maiſtre : & dans laquelle il y avoit un Chaſteau extrémement fort où l’on nous logea. le ne m’amuſeray point. Seigneur, à vous