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rdu deux Batailles ; qu’il eſtoit priſonnier ; & que vous eſtiez mort : vous, dis-je, de qui elle sçavoit que le Roy de Pont euſt eſperé toutes choſes. Auſſi ſa douleur fut ſi grande, qu’elle ne ſentit que tres imparfaitement, la joye du pretendu retour de Spitridate : où elle prenoit d’autant moins de part, qu’en apprenant qu’il eſtoit revenu, elle apprenoit auſſi qu’il eſtoit bleſſé. Toutefois comme l’amour, à ce que l’on dit, eſt une paſſion imperieuſe, qui eſt touſjours la plus forte dans tous les cœurs qu’elle poſſede : il y avoit pourtant quelques inſtants, où ſi elle n’avoit de la joye, elle avoit du moins de la conſolation, d’eſperer de revoir Spitridate. Mais deux jours apres elle en fut privée : car elle aprit par la meſme Princeſſe Ariſtée qui luy eſcrivit une ſeconde fois, qu’elle s’eſtoit abuſée par une reſſemblance prodigieuſe. Elle luy mandoit meſme par ſa Lettre, qu’elle s’eſtoit détrompée par ſon Portrait, qu’elle avoit monſtré à celuy qu’elle avoit pris pour ſon Frere : & qu’en fin Spitridate n’eſtoit point revenu. Ce fut donc alors que ſans aucune conſolation, elle ſentit les malheurs du Roy de Pont : elle eut neantmoins bien toſt apres, quelque ſoulagement à ſa douleur ; lors qu’elle sçeut que vous eſtiez reſſuscité, s’il faut ainſi dire, & que ç’avoit eſté vous, qui aviez eſté pris pour Spitridate, chez la Princeſſe Arbiane. Elle eſpera, Seigneur, qu’eſtant le plus genereux de tous les hommes, vous traiteriez bien le Roy ſon Frere : & elle l’eſpera meſme avec d’autant plus de plaiſir, que Spitridate, à ce que la Princeſſe Ariſtée luy manda, vous reſſembloit parfaitement.

Cependant comme cette Princeſſe a aſſurément un eſprit capable de toutes choſes, elle commença de vouloir prendre le ſoing des affaires de l’Eſtat : mais elle trouva