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Le Roy ayant leû cette Lettre, & ayant encore veû Cyrus s’oppoſer à ſes Amis, & commander aux Soldats de mettre bas les Armes : qu’il vive, dit il, qu’il vive cét heureux Cyrus, que ſa propre vertu deffend mieux dans mon cœur, que les cent mille hommes qui ſont armez pour le ſauver. C’eſt à vous ſage Thiamis, dit il en le re-gardant, à donner cette nouvelle aux Soldats : & à vous Ariobante, à donner les ordres neceſſaires pour la ſeureté du Chaſteau. Ha Seigneur (s’ecrierent Chriſante, Feraulas, Andramias, & tous ceux qui eſtoient dans la Chambre) tant que Cyrus vivra, voſtre Majeſté n’a rien à redouter. Cependant Thiamis qui voulut executer promtement les ordres du Roy, & ne luy donner pas loiſir de ſe repentir d’un ſi favorable Arreſt : deſcendit à la porte du Chaſteau, ſuivy de tous les Mages qui l’y avoient accompagné. D’abord qu’on l’ouvrit, Cyrus s’en approcha : & ſe mit en meſme temps en eſtat d’y entrer, & en poſture d’en vouloir deffendre l’entrée aux autres. Tous ſes Liberateurs s’avancerent en un moment : tous les Capitaines & tous les Soldats ſe mirent également à crier, qu’il ne faloit pas ſouffrir qu’il entraſt : & cette multitude de gens armez ſe preſſant & s’avançant, comme ſi elle euſt eu de fiers ennemis à combattre : il ſe fit un retentiſſement d’armes & de voix eſpouvantables. Mais enfin la porte du Chaſteau eſtant ouverte, & ne voyant paroiſtre que des Mages & des Sacrificateurs au lieu de Soldats, ce tumulte s’alentit : chacun demeura à ſa place, & ſe teut, attendant impatiemment ce que Thiamis avoit à dire. Cyrus ſalüa alors ce Mage avec beaucoup de reſpect : & baiſſant ſon Eſpée, & le regardant avec auſſi peu d’émotion que s’il ne ſe fuſt