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t’elle en ſoupirant, vous pouvez vous aſſurer, que les dernieres paroles du Prince Sinneſis, confirmant dans mon cœur tous les ſentimens que voſtre vertu y a inſpirez, je ſeray toute ma vie pour vous, ce que je ſuis preſentement : Mais Spitridate vous n’en ſerez gueres plus heureux, & l’en ſeray beaucoup plus infortunée. Car enfin je prevoy que peut-eſtre eſt-ce icy la derniere fois que je vous parleray : La derniere fois Madame ! interrompit il, ha ſi cela doit eſtre, il faut donc que ce ſoit icy le dernier jour de ma vie. De grace. Madame, ne m’oſtez pas l’eſperance, ſi vous ne voulez me permettre d’avoir recours à la mort : Eſperez donc, ſi vous le pouvez, luy dit elle, & joüiſſez d’un ſoulagement, que je ne sçaurois prendre pour moy meſme. C’eſt ſans doute, luy dit ce Prince affligé, que vous connoiſſez bien que vous ne ferez pas tout ce que vous pourriez faire pour mon bon heur : Je ne feray pas peut-eſtre, reprit elle, tout ce que je pourrois faire : mais je vous promets ; de faire du moins tout ce que je dois, ſi je ne fais pas tout ce que je puis. Car apres tout, dit elle, qu’imaginez vous, en l’eſtat où ſont les choſes, que je puiſſe faire pour voſtre ſatisfaction ? Je n’oſerois le dire Madame, reſpondit Spitridate, parce que puis que vous ne l’imaginez pas de vous meſme, c’eſt une preuve indubitable, que vous ne voulez rien faire pour moy. Je veux faire, reprit elle, tout ce qui ne ſera point contre la vertu & contre la prudence : ne pouvez vous donc pas, Madame, interrompit il, m’aſſurer que toute la puiſſance du Roy ne vous obligera point à épouſer Pharnace ? Et ſi ce n’eſt pas trop vous demander, ne pouvez vous pas encore me permettre d’eſperer, que s’il arrive quelque changement avantageux en